Historique de la création de la carte postale

Par Michel Worobel

Club cartophile de l’Yonne

La carte postale, qui est avant tout un moyen de correspondance, nous apparait aujourd’hui comme un objet naturel, voir banal (tout au moins pour les adultes !). Pourtant, à l’époque de son introduction, ce fut une véritable innovation, presque une révolution : faire circuler un message au vu et su de tout le tout le monde n’était pas admis de tout le monde.

NAISSANCE DE LA CARTE POSTALE EN AUTRICHE ?

L’invention de la carte postale reste fort discutée et disputée.

Préhistoire en France ?  1856 : loi permettant des envois divers

Au terme de l’article 4 de la loi promulguée le 25 juin 1856 (applicable à partir du 1e août de la même année), était autorisé l’envoi de circulaires, prospectus, catalogues, avis divers au tarif de 1c par exemplaire, le poids à l’unité ne devant pas dépasser 5 grammes. En outre l’imprimé ne devait comporter ni chiffres, ni écriture manuscrite. Comme on le pense, cet interdit sera quelque peu transgressé et l’emploi de cette correspondance publicitaire jouera un rôle considérable dans le développement des affaires.

D’authentiques messages sur carton, dûment affranchis, ont préfiguré la carte postale. On connaît, par exemple un carton qui émane d’un magasin de « draperie et nouveautés » du Puy-en-Velay qui fut envoyé le 17 août 1862 à M. Chaudier notaire à Saint-Agrève, Ardèche. Ces cartons seront aussi illustrés par des symboles de l’entreprise, des médailles obtenues, etc.

1869 – L’autrichien Hermann l’impose

La naissance de la Carte postale ancienne est attribuée à l’Autriche-Hongrie. C’est 1865 que le prussien Von Stephan, délégué allemand à la 5e Conférence de l’Union Postale Austro-Allemande en donne l’idée. Reprise par le docteur Emmanuel Hermann (1832-1902), fonctionnaire ministériel et professeur d’économie politique à l’Académie militaire de Vienne-Neustadt), elle fut admise par l’administration des Postes par le décret du 1e octobre 1869.

1 DEUTSCHE REICH 1874 03 21 de FRANKFURT A.M. à PRAG

2 AUTRICHE 1875 06 19 carte de GOLTSCHJENIKAU à PRAG

3 SUISSE 1876 11 10 Carte ENTIER de CORMORET à ST-IMIER

4 BELGIQUE 1876 10 16 Carte envoyée de BRUXELLES à TOUCY (Yonne)

La carte postale est rejetée par la France et la Grande Bretagne, qui lui reprochent son manque de discrétion dû à l’absence d’enveloppe.

LA CARTE POSTALE GAGNE LA FRANCE

1870 Les ballons et les cartes

 En France, la circulation de ce type de correspondance dite : « à découvert », est en partie liée à l’occupation prussienne en Alsace. L’administration des Postes allemandes étendant sa réglementation aux zones occupées, ce principe de « carte postale » permet alors aux soldats français de joindre ainsi leur famille. La carte postale devient un moyen de communication très utilisé, en raison de la facilité offerte aux troupes occupantes de vérifier le texte.

La Croix Rouge du comité auxiliaire de Strasbourg a mis en circulation une carte sans affranchissement pour permettre à la population assiégée (entre le 13 août et le 23 septembre 1870) de communiquer avec l’extérieur.

La guerre franco-prussienne impose aussi, durant le siège de Paris un autre mode de correspondance : les cartes par ballons montés et par passeurs. Le 26 septembre 1870, deux décrets ont paru, autorisant l’expédition du courrier par aérostat. Le premier concerne les lettres ordinaires à destination de la France, de l’Algérie et de l’étranger. Elles ne doivent pas dépasser 4 g et être affranchies à 20 c. Le second décret fixe la nature, le poids et le format des « cartes-poste » – le terme apparaît peut-être ici pour la première fois officiellement – soit un carton vélin de 3 g au maximum mesurant 11 cm sur 7 cm. La taxe à percevoir est de 10 c pour la France et l’Algérie.

REALITE OU FICTION : LES CARTES BESNARDEAU

1870 L’incontournable Besnardeau …

Sujettes à polémiques, les cartes Besnardeau, du nom d’un libraire de Sillé-le-Guillaume, dans la Sarthe, auraient été créées pour servir de correspondance aux soldats du Camp de Conlie. Elles auraient été, par manque de papier, découpées dans des couvertures de cahier. La légende Besnardeau prends corps le 6 septembre 1902, lorsque Le Petit Journal publie l’interview du susnommé. Celui-ci explique que pendant la guerre de 1970, il a mis à disposition des quelques 40 000 recrues du camp de Conlie une carte de correspondances afin de leur permettre d’écrire à leur famille. En fait ce carton est une carte souvenir qui n’a jamais transité par la poste. Elle n’en a pas moins été déclarée « première carte postale mondiale ». Reproduite avec le portrait de Besnardeau, elle fait l’objet d’une diffusion importante. En 1904, l’Annuaire Berry du timbre-poste et de la carte postale illustrée lui consacre un article dans lequel on peut lire : « Il n’est pas mauvais de rappeler, en un temps où temps d’inventions françaises sont faussement attribuées à des étrangers (téléphone, photographie en couleur, etc.) que la carte postale est née chez nous, patrie du goût et des arts. »

EN FRANCE LA CARTE POSTALE EST OFFICIALISÉE

1872 La France adopte la nouveauté

Dès 1871, l’assemblée cherche des ressources susceptibles de renflouer les finances mises à mal par la guerre. Alors que le gouvernement propose une augmentation des services postaux, un député, Louis Wolowski, prône au contraire la diminution du prix du courrier. Il suggère, à l’exemple des autres pays européens, l’adoption de la « post-card » – « carte à découvert qui est débitée au prix de la moitié du droit perçu pour l’envoi d’une lettre… ». Il en présente un spécimen à l’assemblée et cite les chiffres publiés par l’administration anglaise.  Ceux-ci prouvent l’extraordinaire succès dans le public de ce nouveau mode de correspondance. Ils témoignent d’une augmentation notable des bénéfices des postes. Mais l’Assemblée demeure hésitante et l’amendement n’est pas pris en considération.

Ce n’est qu’un an plus tard, par une loi du 20 décembre 1872 que la France adopte ce type de correspondance. Avis au public : « Par l’impossibilité d’obtenir immédiatement, en nombre suffisant pour les besoins de la consommation, les cartes postales dont la création a été décidée par l’Assemblée nationale dans sa séance du 20 décembre courant, la vente de ces cartes, qui devait avoir lieu dans les bureaux de postes et dans les débits de tabac à partir du 1e janvier 1873 est ajournée au 15 du mois. »

Imprimées par l’administration, ces cartes se présentent sous la forme d’un rectangle de carton blanc ou chamois de format 120 x 78 mm.

Le terme de Carte Postale est suivi de l’indication : « Destiné à circuler en France ou en Algérie »
A cette époque l’adresse figure au recto, et la correspondance au verso. Selon sa destination celle-ci devait être timbrée à 10c pour une carte locale ou 15 c pour une carte circulant de bureau en bureau.

Dans le jargon des collectionneurs on appelle « cartes précurseurs » celles produites de 1873 à 1880.


1875 –7 octobre arrêté autorisant l’industrie privée à fabriquer des cartes postales.

EN 1876 UN MODELE UNIQUE

1878 A l’assaut de l’univers …

L’Union Postale Universelle (UPU) est créée en 1874. Par convention internationale, le format de la carte postale s’uniformise en 1878 : son format sera de 9 x 14 cm.

Celui-ci restera le format conventionnel, pratiquement jusqu’à la seconde guerre mondiale.

1881 Dépôt légal

Le 29 juillet 1881, une loi impose aux éditeurs le dépôt légal des exemplaires de cartes postales à la bibliothèque Nationale. C’est le signe que la carte postale est entrée dans la vie de tous les jours.

C’est ainsi qu’en 1897 est fondée à Nuremberg l’Association mondiale Kosmopolit, un club de collectionneurs de cartes postales qui restera actif jusqu’à la Première Guerre mondiale et qui, à son apogée, comptait plus de 15 000 membres rien qu’en Allemagne.

En 1899 première exposition française de cartes postales illustrées à Nice

LES CARTES LIBONIS

1889 La Libonis ou « Quo non ascendam? » …

Les cartes Libonis ont été éditées à l’occasion de l’Exposition Universelle, les deux types les plus connus étant la Tour Eiffel « Aux nuages » et « Au soleil ». Elles étaient imprimées au premier étage de la tour Eiffel par l’imprimerie temporaire du Figaro ; elles peuvent être considérées comme les premières cartes postales illustrées.

LES CARTES VUES PHOTOGRAPHIQUES

Les premières cartes postales illustrées sont parues en Allemagne et en Suisse. Jusqu’en 1900 elles coûtent chères car on n’emploie comme procédé que la pointe sèche, le burin ou la lithographie. L’invention de la photocollographie et de la phototypie permit un succès considérable et immédiat par un abaissement considérable des prix.

1891 Le passage par la photographie

En 1880, les photographes lancent sans le savoir le principe de la carte-photo, qu’ils appellent alors le portrait-carte. On pourra donc conserver les portraits de famille, mais aussi les scènes de travail, ou plus simplement les vues de villages.

AUXERRE recto Vue générale Photo L. MAILLET

1886 06 13 AUXERRE verso Pub. L. MAILLET Photo

10c 1895 10 03 Carte réponse d’ Alfred Perreau quincailler 8 rue de Paris

A partir de 1890, un procédé simple de reproduction de la photographie, donnera, 10 ans plus tard, un essor considérable à la diffusion des cartes : la phototypie. Celle-ci permettra d’éditer des petites quantités à un coût raisonnable.

UNE HISTOIRE MARSEILLAISE

A Marseille, le 4 Août 1891, Dominique PIAZZA publie les premières cartes postales photographiques reproduites en phototypie, avec décorations sur le pourtour.

De nombreuses productions très locales verront le jour ; celles-là même qui, aujourd’hui, font le bonheur des collectionneurs.
A la fin du siècle, un peu en retard, par rapport à l’Allemagne ou l’Angleterre, la France produit tout de même environ 8 millions de cartes postales.

LES PAYS GERMANIQUES EN TETE : LES GRUSS

1894 Première exposition mondiale de la carte postale à Vienne.

En 1894, a lieu la première exposition mondiale de cartes postales à Vienne, et cette date marque également le 25e anniversaire de la création de la carte postale. Ce sera l’occasion d’un tirage à mille exemplaires d’une carte avec le portrait du Docteur Hermann.

On trouve déjà à cette époque de nombreuses cartes « Gruss », en Autriche et en Allemagne surtout ; elles sont tirées en couleurs, souvent des lithographies.

1898 Premières grandes séries

Les premières grandes séries d’illustrateurs sont éditées :

  • série CINOS
  • Les Maîtres de la Carte Postale
  • La série COCORICO paraîtra en 1900 et la série JOB, de 1904 à 1914.

En 1898 également, apparition des premières cartes illustrées de l’Yonne.

1898 03 22 Auxerre Le Pont

1899/09/07 Auxerre Cathédrale St-Etienne

1900/02/07 Auxerre Abside de la cathédrale

1899 Revue « La Carte Postale Illustrée »

L’alsacien Emile Strauss crée la revue « La Carte Postale Illustrée » dont le numéro 1 paraît en janvier.

Au cours de cette même année, le premier club français de cartophilie voit le jour : il s’agit de l’IPCC (International Post Card Club).

En 1899, on fabriquait en Allemagne (50 millions d’habitants) 88 millions de cartes postales, en Angleterre (38 millions d’habitants) 14 millions de cartes postales, en Belgique (6,5 millions d’habitants) 12 millions de cartes postales et en France (38 millions d’habitants) 8 millions de cartes postales.

L’AGE D’OR DE LA CARTE POSTALE

1900-1918 L’âge d’or de la Carte Postale. Les cartes de cette époque sont qualifiées de Cartes Postales Anciennes, en abrégé : C.P.A.

C’est l’exposition universelle de 1900 qui donnera le coup d’envoi à ce formidable essor.
Le public s’enthousiasma pour ce nouveau concept de courrier associé à la photographie.
Très rapidement la plupart des communes de France furent photographiées à cette fin. L’idée de collectionner apparût aux usagers de l’époque …

A propos de cette époque on parle  » d’âge d’or  » de la carte postale. Les éditions vont se multiplier, ainsi que les supports, puisque les cartes photographiques vont côtoyer dans les tourniquets des cartes fantaisies ; elles seront proposées sur divers supports, dont les « brodées » de qualité remarquable, compte tenu des moyens disponibles à l’époque, sans oublier les « celluloïd », les ajoutis de fleurs, les chromos.

En 1910, en France, la production de cartes postales était de 123 millions (cette industrie faisait vivre 33 000 ouvriers) et il existait 33 revues cartographiques.

1901 Collection des Cent

Suite des grandes séries : édition de la Collection des Cent, 10 séries de 10CP

1903 Cartes postales sous enveloppes

Les P.T.T. autorisent l’envoi des cartes postales sous une enveloppe avec, dans le coin une fenêtre ronde pour apposer le cachet sur le timbre.

C’est pourquoi on trouve des cartes postales avec un timbre et un peu de papier, mais sans adresse : celle-ci était écrite sur la bande que l’on déchirait à la réception.

1904 Division du dos

Avant 1904, il était dit « non divisé », le côté tout entier était réservé à l’adresse. L’expéditeur devait écrire côté vue, l’illustration n’occupait d’ailleurs qu’une petite partie de la surface.

A cette date, le dos des cartes postales va changer, se diviser en deux : une moitié pour l’adresse et l’autre pour la correspondance.

1904 Les « bonnes mœurs »

Il est un autre domaine dans lequel la carte postale eut à défendre sa réputation : celui des bonnes mœurs. Il était évident que la carte postale se ferait le véhicule de toutes sortes de messages et qu’à côté d’audaces artistiques parfaitement honorables, des hardiesses plus discutables – tout au moins aux yeux de certains se manifesteraient. Ainsi, la diffamation trouva-elle un élément de choix dans la carte postale, qui, voyageant à ciel ouvert, pouvait être vue et lue par tout le monde. Thémis intervint et sévit. Un décret du 11 juin 1887 reprit les dispositions de la loi de 1881 sur la presse et l’affichage en interdisant que la carte postale allât à l’encontre des bonnes mœurs et des institutions ; on poursuivit l’injure et la  » pornographie « .

En 1904, le sénateur Bérenger, qui veillait au respect de la morale, fit prendre un décret proscrivant toute pilosité sur les reproductions anatomiques figurant sur les cartes postales. Le collectionneur s’apercevra vite qu’elle ne fut pas toujours appliquée.

1905 Imprimeries Réunies de Nancy

Les « Imprimeries Réunies de Nancy » sont créées par la fusion des maisons Bergeret, Humblot et Helminger

1908 Série Wiener Werkstatte

Edition de la série « Wiener Werkstatte »  à Vienne, en Autriche. Il s’agit de cartes postales d’illustrateurs.

1914 Carte de Franchise Militaire

Avec la première Guerre Mondiale, la carte postale de Franchise Militaire fait son apparition. Elle est décorée de drapeaux et circule à découvert.

Les éditions de l’époque sont de véritables reportages photographiques sur la vie au front et les ruines de guerre.

APRES 1920 LA TRAVERSÉE DU DESERT AVEC LES SEMI-MODERNES

1918-1975 Le grand sommeil

Après les années 20, différents facteurs, (comme le développement de la photographie individuelle, la meilleure illustration des journaux, les débuts de vulgarisation du téléphone) vont ralentir cet engouement des français pour la carte illustrée. Autre facteur important : omme les autres métiers, les photographes et imprimeurs ont payé un lourd tribut. Pour des raisons (regrettables) de rentabilité on abandonne la représentation d’événements à caractère local.

La production standardisée de vues générales, rentabilité oblige, participera au déclin de la qualité d’édition.
Parmi celles-ci, citons ces cartes imprimées en marron, par héliogravure, sur carton très mat. Sauf exceptions, leur valeur actuelle est insignifiante.

On parle alors de cartes postales « semi-modernes » ou C.P.S.M.. Aujourd’hui les cartes semi-modernes mêmes très tardives, (tirage brillant, bords à découpe frangée) semblent intéresser un public de plus en plus nombreux.

La demande concerne cependant des cartes qui représentent un intérêt documentaire précis.

1923 Série du BAUHAUS

Vingt cartes postales en lithographies originales, signées par des peintres célèbres, Kandinski et Klee étant les plus renommés.

1930 Production YVON

Début de la production YVON (par Pierre Petit), principalement sur Paris.

LA CARTE CONTEMPORAINE ET LE RENOUVEAU

1936 Congés payés

La carte postale retrouve, grâce aux congés payés, une vogue qu’elle avait perdue depuis la guerre.

1937 Cartes des surréalistes

Séries de 21 cartes surréalistes, avec Picasso, Dali et Max Ernst entre autres.

1940 Nouveau format

Le format 10,5 cm x 15 cm remplace l’ancien et les cartes deviennent semi-modernes, reconnaissables à leur cadre blanc, puis modernes avec leurs bords irréguliers.

1951 Début des publications d’Albert Monier, sur Paris d’abord.

1960 à 1970

La qualité des cartes s’améliore, aussi bien pour le support que pour les vues proposées. De nombreux éditeurs et photographes font leur apparition, sans oublier les illustrateurs. En particulier l’apparition de cartes postales de vues aériennes présente un nouvel intérêt.

Après 1975 Un nouvel âge d’or?

Premier catalogue français, par Joëlle et Gérard Neudin (arrêté en 2001 suite au décès de son auteur) , suivi en 1976 de l’Argus Fildier. François Baudet suit en 1978

.Premier Salon International au George V.

Les cartes sont alors appelées « Modernes » ou C.P.M..

N.B. La frontière entre les C.P.S.M.et les C.P.M. n’est pas évidente. Ainsi certains cartophiles la place plutôt en 1950.

1977 CPC arrive

La famille Armand lance la revue Cartes Postale et Collection qui fait suite à Collection et Monnaies (multi collection).

1978 CCY

En Novembre 1978, création du CLUB CARTOPHILE DE L’YONNE.

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